par Didier
10 Aoû 2012, 17:51
Ce que vous décrivez, sous les apparences d'une expérience et de l'évidence (que tout le monde partage peu ou prou), n'en est pas moins une pure contradiction dans les termes. C'est tout bonnement impossible (c'est une illusion, une "façon de se dire les choses"), c'est un "paralogisme". Que l'expression structurée et "temporelle" contraigne et présente des difficultés, qui sont en vérité les difficultés de ce que l'on "pense" (ou croit penser) et a à dire, ou mieux encore qu'elle donne toujours un tant soit peu autre chose que ce que l'on pensait, et plus de choses le cas échéant que ce qu'on voulait y mettre, et parfois même des choses adverses à ce que l'on voulait dire (la réaction des autres nous le fait voir), c'est précisément la nature même du langage qui l'implique. Et c'est heureux.
Le langage, la langue, nous possède bien plus que l'inverse... « ça parle » comme disait Lacan (que je n'aime pas, mais, bon..., je fais vite). Bien au-delà : « Depuis que nous sommes un dialogue... », comme dirait l'autre (comme c'est peu connu, je précise : Hölderlin). Soit : depuis "toujours", en tant qu'être humain. Et d'abord un dialogue entre soi et soi. Nous ne cessons de parler, y compris sans paroles (gestes, attitudes physiques... demandez à mon cheval, tiens !). Nous ne cessons de nous parler. La contrainte que vous évoquez, c'est la contrainte de l'Autre ("la syntaxe c'est l'Autre dans la langue..."), et "l'Autre" est d'abord en nous; il est le tiers du "de soi à soi". Nous n'avons pas plus d'accès "direct", "immédiat" à nous-même qu'au monde. L'immédiateté nous est constitutivement impossible (sinon, ça se saurait... et nous ne serions pas/plus des hommes). Cette "contrainte" nous oblige à clarifier, vérifier, tester, mettre en jeu, évaluer, discuter, dialoguer (dia-logos, à travers la parole). La médiation, c'est la culture, et la culture, c'est le soin des morts. Cf. la réflexion supra sur la déchéance de la médiation et la barbarie... C'est pourquoi l'attention à la langue est si importante. Mais voilà encore une piste qui risque de nous entraîner très au-delà de ce qui peut se légitimer sur un tel fil.
(Pas pu m'empêcher... Mais je peux faire un effort)
Qui vit sans folie n’est pas si sage qu’il croit. (La Rochefoucauld)