Revenons aux choses sérieuses avec le troisième épisode de Berliet Story.
En 1900, Berliet déménage encore. Un nouvel atelier de 450 m² est acheté à la place de celui de 90. Une équipe de 30 à 60 personnes sont employés à la fabrication. Une voiture fabriquée revient à peut prêt à 5000 F, elle est vendue 11 000 F. Grâce à cette marge confortable, Marius rachète la société Audibert et Lavirotte, avec laquelle il devait s'associer en 1897 pour fabriquer sa voiture de type B (voir 2 ème épisode). Maintenant, Marius est a la tête d'une vraie usine de plus de 10 000m², avec un bureau d'étude et 250 personnes sous ses ordres, dont son ancien concurrent Lavirotte qui deviendra directeur commercial. Tout va bien pour Berliet, l'usine tourne bien, la presse fait de très bonnes critiques sur ses voitures, il a alors 38 ans.
Par une belle fin d'après midi, Marius apprend que Monsieur Pitkin's, Président de l'Américan Locomotive Corporation (Alco) est à la porte de l'usine afin de le rencontrer. Marius Berliet hésite un moment à recevoir cet Américain qui vient lui parler affaire , après avoir traverser l'Atlantique sur son yatch. Persuadé que c'est une grosse farce le patron Français dira très poliment à son interlocuteur qu'il ne construit pas de locomotive. Mais Pitkin's n'est pas venu pour cela, c'est bien l'automobile qui l'intéresse.
"- Nos usines occupent dix-huit mille personnes et produisent quatorze locomotives par jour. Nous voulons ajouter une branche automobile à nos activités. En Amérique nous n'avons pas de temps à perdre. Il faut miser sur l'avenir et plutôt que d'étudier un nouveau modèle, nous voulons construire sous license, une voiture qui a fait ses preuves. Monsieur Berliet, nous vous offrons cent mille dollars en échange du droit de produire vos voitures aux Etats-Unis"Pour Marius, cette proposition est extravagante. il se demande même pourquoi une grosse société Américaine s'intéresse a un petit constructeur Français. L'Américain continu sont discours en disant:
"- Monsieur Berliet, nous avons essayer les meilleurs châssis français, allemands et anglais. Ils ont subi les tests les plus sérieux et ce sont les vôtres qui se sont les mieux comportés. Leurs qualités d'endurance, de robustesse et la simplicité de leur conception sont exactement ce que nous voulons offrir à nos futurs clients."

- Alco licence Berliet 60Cv 1912
En quelques minutes, Marius Berliet est à la tête d'une fortune de 25 000 louis d'or que l'Américain a déposé sur son modeste bureau en bois. Avec cet argent le petit patron Lyonnais va construire de nouveaux bâtiments sur les 6 hectares qui sont à vendre à côte de l'usine, il va acheter des outils, des machines, des ponts roulants il va même faire construire une forge. L'usine de Montplaisir va ainsi devenir l'une des usines les plus modernes du monde.
Le 8 mai 1905, une convention est signée entre le personnel et Marius. Ce document précise les taux horaires ainsi que toutes les heures supplémentaires au dessus de la journée de dix heures sera payée 50 pour cent en plus. Pour ses employés, Marius a une réputation d'homme exigeant et travailleur, il admet l'erreur mais n'accepte pas la faute, il est même comparé à un tyran.
Le premier grand conflit social auquel Marius doit faire fasse va s'engager. Suite au licenciement de 3 employés, les délégués du personnels demandent un entretient à Marius. Celui ci refuse car tous les délégués ne sont pas de l'entreprise. La grève est alors décrétée et s'étend à l'ensemble des entreprises métallurgiques de la région lyonnaise. 60 ouvriers sur 200 sont encore au travail. Dans un premier temps Marius ferme l'usine et comme le conflit s'enlise, il licencie tout le personnel. Après une quinzaine de jours, il fait paraître dans la presse une lettre.
"- Nous avons l'honneur de vous informer que cent-vingt cinq ouvriers ayant demandé à reprendre le travail, la réouverture de l'usine a été faite le 5 juin. <nous informons les ouvriers que le réembauchage se continuera au fur et à mesure des besoins et par demande écriteC'est après ce conflit que va apparaître la nouvelle identité de l'entreprise, avec une locomotive équipée d'un chasse buffle en souvenir de Monsieur Pitkin's.