Il y plusieurs éléments à considérer en préalable à une tentative de "réponse" (éléments déjà un peu préparés supra, avec cette drôle de bêbête : "l'onto-theo-logie", l'ontologie / théologie).
Je vais essayer de les prendre un à un, un par message. Il faudra être patient, et je ne suis pas certain de parvenir au but de façon tant soit peu adaptée ici. Nous verrons bien, ceci est une sorte d'expérience… un peu comme une tentative incertaine de montage d'un truc en laiton… Pourquoi pas ?
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Parlons de "l'ontologie", d'abord.
Notre civilisation combine plusieurs racines, racines dont la grecque est la première. Cette racine grecque, puis gréco-romaine, s'est appropriée (plus que l'inverse) une racine judaïque à travers le christianisme, situé au carrefour des trois (hellénisme, Rome, Jérusalem).
Notre civilisation est aussi, c'est très notable, le fruit de
reprises* de ces racines d'époque en époque : Moyen-âge, qui est une vraie renaissance malgré l'image qu'on s'en fait trop souvent (il est en vérité une succession de "renaissances"), Renaissance, Temps modernes, etc.
La Grèce c'est, au sommet de sa création (et tout autant à la source de celle-ci), la pensée dite "philosophique" (mot grec), d'où presque tout ce que nous sommes provient, à commencer par les sciences modernes (il n'y a qu'à voir la part des racines grecques dans la terminologie des sciences ; "technique" vient de
tekné ; les premiers "philosophes" (terme qui n'existait pas à ce moment là) se nomment les "physikoï", soit : les "physiciens", de "physis" qu'on traduit habituellement par "nature", mais attention, c'est une très grosse approximation, qui enduit d'erreur plus qu'autre chose

…).
Cette pensée originale évolue dans un monde où le "divin" est omniprésent, mais sur un mode dont on a plus guère idée **. Important à noter pour la suite.
Ce qui s'appellera tardivement "philosophie" à proprement parler (à partir seulement de Platon, soit au moment de sa floraison terminale en Grèce) s'applique à l'étude de "l'étant" (participe substantivé, voir la suite avant de se décourager), cherchant "ce qu'il est", "par où il est", bref : elle cherche "l'être de l'étant", bref : l'être "tout court" ce qui proprement "est" dans tout "étant", dans toute chose "qui est".
Un "étant" (la table, le soir, cet homme, un souvenir…) n'est pas pris "comme il vient", mais il est
questionné en son "être". "Ti estin…" est LA question récurrente : "Qu'est-ce que c'
est que… ?".
De tous les verbes, celui qui
soutient tous les autres et les rend possibles (même en japonais où il n'existe pas, mais c'est une autre histoire…), c'est le verbe "être" ; toutes choses, si disparates soient-elles, ont en commun une et une seule chose : le fait d'être ; même l'absence, ou le faux, ou l'imagination sont encore un mode d'être ! Et cela, c'est "la merveille des merveilles" pour un Grec, c'est la cause d'un éternel "étonnement" (le thaumazein : "pourquoi y a-t-il quelque chose et non pas rien ?"), c'est le "moteur" de leur interrogation (avec la Beauté qui ne peut être qu'un reflet de la "vérité" — je résume, hein, mais même ainsi ledit "miracle Grec" est assez extraordinaire).
Et nous revoici en plein dans la question du
langage, et de la grammaire…
Le maître mot grec pour cela (étant/être) c'est "to on". La grammaire grecque le détermine comme "metoké", ce que les latins appelleront "participe", qui…
participe du côté du nom
et du côté du verbe.
"étant" s'entend soit nominalement ("un"
étant donné) : par exemple une fleur, soit verbalement (le fait d'être) : par exemple le fait de fleurir, "le" fleurir. Nominal
et verbal : la forme participiale. Elle est particulièrement puissante et structurante en Grec ancien… et partant pour la pensée en occident (la provenance la plus initiale de cette "manière" est indo-européenne).
« La parole grecque est en effet la seule où ce que la grammaire appellera le mode participe donne le ton, et ceci à partir du verbe des verbes, du moins en grec, que lui est le verbe être. En latin
esse n'a pas de participe. Le mot
ens est une invention tardive, fabriquée gauchement pour traduire le grec "on". En français, être ne s'emploie plus qu'à titre auxiliaire. L'anglais
being consonne bien avec le grec "on", mais plus au profit de l'étant que de l'être. » (Jean Beaufret, Dialogues avec Heiddegger).
D'où "l'ontologie" : le discours (logos, logie) de fond sur "l'être de l'étant" (on, ontos). Littéralement : la "science" qui cherche "to on è on", l'étant/être en tant que être/étant.
A suivre, plus du côté "théologie"… si vous le voulez bien !
Et bonne dégustation aux bretons...
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* cette notion de "reprise", et donc de "secondarité" dans les racines (Europe / monde antique) est une chose absolument unique dans l'histoire des civilisations, elle est déterminante pour "l'esprit européen", et partant occidental. Cf. J-F Mattéi et surtout, surtout, l'excellent Rémy Brague : "L'Europe voie romaine"
http://www.amazon.fr/Europe-voie-romain ... 216&sr=1-2** Si je peux me permettre un conseil, une lecture et une seule, ce serait l'admirable et inégalé livre de Walter F. Otto : "Les dieux de la Grèce" (Payot)
http://www.amazon.fr/dieux-Gr%C3%A8ce-W ... 960&sr=8-1
Qui vit sans folie n’est pas si sage qu’il croit. (La Rochefoucauld)