par Didier
13 Fév 2010, 15:51
En fait je comprends très bien qu’on puisse être "allergique" (à l’opéra, la musique « classique », la musique indienne, etc.) : je l’ai été.
Outre les barrières "sociales", les préjugés, l’approche en est en effet "difficile" - il s’agit d’élaborations complexes issues de toutes les strates d’une riche histoire, de toute une culture – et c’est déroutant, voire désagréable à première vue (ou première ouïe, plutôt !). En sus ça le reste souvent à seconde vue, et assez longtemps. De quoi décourager presque toutes les bonnes volontés si l’on n’est pas né "dedans".
C’est souvent une question de "déclic", de circonstances, etc., pour faire le "saut", quoiqu’une telle amorce ne suffise pas et qu’il faille encore un effort soutenu et bien des étapes avant que cet univers quasi illimité s’ouvre en grand.
La chose ne se "donne" pas facilement - du moins pendant tout un temps ; on peut cela étant soutenir que ce sont souvent les choses qui résistent le plus qui se révèlent à la fin les plus essentielles et les plus authentiquement belles, inépuisables. Une ouverture qui ne cesse "d’ouvrir" en quelque sorte : telle est bien la "grande musique", je vous l’assure (rappel : je ne suis pas "né dedans"…).
Ici je voudrais dire quelque chose qui n’est ni condescendant, ni négatif, ni arbitre des élégances, bref qui ne juge pas d’office tout un chacun. C’est juste une remarque qui parle « des temps qui courent et du monde comme il va » …
Donc : ces musiques, il faut plus "aller à elle", les conquérir avec patience, que simplement les prendre comme elles viennent, "comme elles vous chantent, ou pas", car on ne s’y "retrouve" pas aisément ni rapidement ...
Or "sortir de soi" - pour se retrouver, mais plus loin, plus profond, ailleurs - aller contre sa pente "naturelle", son « c’est mon goût et je le partage », c’est aller contre ce « soi-mêmisme » que chacun revendique (un vrai "droit de l’homme", celui-là !) et que célèbre et encourage à tour de bras la publicité permanente que ce monde factice et spectaculaire se fait en permanence, dans laquelle il reprend sans cesse tout et tout le monde.
L’impératif moderne par excellence est « d’être soi-même », c.à.d de réduire toute distance entre soi et soi, d’adhérer aussi étroitement, aussi immédiatement que possible à "soi", réduisant ainsi en permanence tout l’écart de soi à soi – et le dialogue véritable qui ne peut provenir que de cet écart, de cette différence -, écart qui fait l’humanité de chacun, et toute la culture.
C’est en vérité un contre-sens absolu : l’être humain a sans cesse à devenir ce qu’il est, pas à l’être purement et simplement, sauf à en rester au stade du légume. Cet impératif joyeusement vanté sur tous les tons par le spectacle (« et parce que je le vaux bien … ») est donc un piège, mortel. Franchir les frontières, c’est aujourd’hui plus difficile que jamais, alors même qu’on prétend le abolir toutes (et précisément pour cela …). Etc.
Pour revenir à la "musique" , on dira que c’est une question de goût, d’autres que c’est une question de culture, je crois surtout que c’est, aujourd’hui, une question de résistance– je l’entends au sens fort, historique.
Je me disais que Cécilia Bartoli, qui est en partie "grand public" mais sans aucune concession de qualité et de sincérité, pouvait être une proposition plus favorable, ou moins défavorable, comme on voudra. Mais cela ne se décrète pas : les voies (voix ?) du Seigneur sont impénétrables !
« Pour la musique indienne et orientale, c'est pareil. » (R&R)
Juste pour le fun : je distingue très nettement les deux, qui ont bien peu à voir. En vérité je ne trouve guère d’intérêt aux musiques dites « orientales », et beaucoup à celles de l’Inde. Par contre je reste hermétique/allergique à celles de l’extrême-orient (quoique très vivement intéressé : Chine et Japon notamment sont des pays dont je trouve les cultures passionnantes et fascinantes, ce sont (ou bien c’étaient ?) les seuls vrais « Autres » de nous-mêmes, occidentaux). Je ne désarme pas, cela dit. On ne sait jamais : si un jour un "déclic" …
Qui vit sans folie n’est pas si sage qu’il croit. (La Rochefoucauld)