par Didier
13 Aoû 2012, 08:34
Incise au passage : fixer comme différence entre science et religion la recherche de la vérité d'un côté, une vérité révélée de l'autre me semble à tout le moins... sommaire.
- D'une part toute les religions ne sont pas "révélées" dans ce sens, il ne faut pas prendre pour unique mesure de la "religion" le cas que nous connaissons, et d'ailleurs connaissons de plus en plus mal, à savoir la religion chrétienne, ou plus généralement lesdites (à tort) "religions du Livre". A tort, car une et une seule est à proprement parler, et très stricto sensu, hélas, la religion "du" Livre : celle du Coran "incréé". La Bible n'est pas un livre, mais bien plutôt une bibliothèque, et une somme qui touche à la légende, la légende d'une aventure et d'une expérience humaine, et quand je dis légende il faudrait l'entendre non pas comme "racontar", là encore c'est aller bien vite en besogne, du haut d'une prétention "moderne" qui témoigne plus d'une perte de culture qu'autre chose (et d'une suffisance inquiétante à juger des vies passées à partir de ses petites certitudes techniques), mais l'entendre comme quand on parle de la légende d'une carte, ou d'un graphique. Comme trace humaine, et comme legs. Qui sert à interpréter. Les Évangiles, de leur côté, c'est une "simple" histoire, une façon de témoignage. A chacun d'en faire son affaire. Par parenthèse, il faut lire les "Écrit apocryphes chrétiens" (malheureusement en Pléiade pour la meilleure édition), c'est passionnant.
Toute religion n'assène pas une vérité définitive et fixée de tout temps. Chaque religion authentique est au départ une forme de pensée, et l'expression la plus profonde de la spiritualité des peuples, de leur expérience de la vie. Elles relèvent même du fait anthropologique, comme je l'ai dit (et il faudrait repartir de là, puisque cela touche à l'origine et au fond, au lieu de faire "son opinion" sur les manifestations les plus dérivées, tardives, rapportées, décadentes à bien des égards, de ce qu'on nomme "religion" et qui recouvre bien des choses différentes !). Il y a beau temps (déjà, dans l'antiquité...), que les lettrés savent que la Genèse, et tout le reste, doit être interprété, de A (Aleph...) à Z,et pas "cru" littéralement. C'est même cet appel perpétuel et infini à cultiver l'herméneutique (pardon, mais c'est vraiment le mot) qui fait que le peuple juif est si remarquable, et a donné tant de génies dans tous les domaines et "à travers" tous les peuples. La littéralité, c'est le degré zéro de la religion, y compris pour le christianisme, malgré le "Credo". Encore une fois : seul le Coran donne lieu à des "interprétations" archi limitées (et souvent délirantes) car simplement ramenées au distinguo hallal/haram (licite/illicite) pour tous les "détails" non explicitement prévus dans les textes canoniques (Le "prophète" ne connaissait pas le téléphone portable... point barre). Au reste, ne parlons pas d'autres religions encore (Inde, etc.) ! Ou de la religion grecque ancienne, dont j'ai un peu parlé.
(Rappel : je ne suis pas croyant...)
- D'autre part, quand je dis que la science, issue de la "philosophie", "ne pense pas", c'est à un autre niveau, plus profond, plus enfoui si l'on veut, que cela se passe. Il s'agit de ne pas interroger ses pétitions de principe, de laisser impensées les conditions de possibilité de son développement. De ne pas connaître ses propres fondements (de ne pas devoir les connaître, même, en l'occurrence), et leur provenance, qui est tout aussi "historique", culturelle, humaine que le reste ! La preuve ? Quand on dit que la science "recherche la vérité"... Qu'est-ce que la "vérité", la vérité tout court, et pas la vérité seulement expérimentale, avec toutes les limites sévères que ce qualificatif implique ? Et même dans ces limites : qu'entendre par "vérité", sur quoi est-elle fondée ? Attention : quand je dis cela, je fais de "l'épistémologie", encore une dimension scientifique, pas de l'obscurantisme du genre des tarés tazuniens qu'évoque Rapide !!! L'esprit véritablement scientifique ? Comme je le disais c'est celui qui sait qu'il ne sait rien de façon définitive, et qu'il ne saura jamais rien de tel, qui passe d'un paradigme à l'autre, qui évolue toujours dans le provisoire, et sait que s'il "progresse", ce n'est jamais vers la "vérité" comme telle.
Le raccourci saisissant :"la science recherche la vérité" n'est pas scientifique, il excède le domaine de la science du propre point de vue de celle-ci, il verse dans la croyance, et c'est ce qui permet les dérives qu'évoque bw, et symétriquement les délires des créationnistes et autres de Rapide. Il y a bel et bien dans la science contemporaine des "dogmes" durcis et devenus quasi intangibles, il n'y a même que cela, et dans tous les domaines. Tu demandes des exemples ? Il y en a à foison. A proportion du tarissement préoccupant des dernières décennies en guise de véritables "percées" autres que technique (autre aspect du sujet), de plus en plus compensé par une tendance journalistique chez les "gurus" de la science (non sans rapport avec les petits problèmes de pouvoir, de financement, et autres enjeux humains, trop humains). Pour rigoler, et au risque de déclencher une tempête et une digression de plus : parmi les théories qui ont plus que fait leur temps (=dont les limites auraient dû devenir de plus en plus problématiques, et depuis belle lurette), mais qui restent figées envers et contre toutes les observations, ce qui donnent caricaturalement de plus en plus la part belle aux obscurantistes (heureusement qu'ils sont débiles la plupart du temps, mais attention : pas toujours...) : Darwin et la "théorie de l'évolution". Je ne dis pas que Darwin est faux : je dis que son dogme se maintient tel que au-delà du raisonnable et qu'un "changement de paradigme" aurait déjà du intervenir depuis un bail, découvrant un nouveau territoire, ou plutôt une nouvelle "vue" sur le territoire... Toujours une question de légende. Toujours une question de langue.
Bref, "fixer comme différence entre science et religion la recherche de la vérité d'un côté, une vérité révélée de l'autre" : c'est un peu plus compliqué...
Qui vit sans folie n’est pas si sage qu’il croit. (La Rochefoucauld)